dimanche 20 septembre 2009

Mes illusions donnent sur la cour

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« Sur un transat, il mange un esquimau. Le chocolat fond autour de sa bouche, il s’en met partout. On dirait du sang séché. Le ciel est de la même couleur que le soleil. Ce matin, on a braqué le minibar. Augustin voulait qu’on célèbre son départ. L’air a une vague odeur de jasmin. Je suis sûr que c’est le produit d’entretien. Il se lève pour aller commander quelque chose au restaurant, de l’autre côté de la piscine. Je l’observe. De longs palmiers bougent lentement derrière lui. Graphique. Il plonge dans l’eau. Il disparaît quelques secondes, puis il réapparaît. Il revient, il se rallonge sur son transat. Je regarde les parasols kitch, jaunes et rouges, et je pense que ce serait vraiment beau de les voir tous s’envoler en même temps. »
Sacha Sperling a dix-huit ans. Il signe son premier roman et je l’ai lu en une semaine dans les trajets qui me ramènent de Paris à Trilport.

Il nous raconte les frasques d’une certaine jeunesse dorée parisienne, celles des gosses de riches qui flambent les billets de 50 euros aussi vite qu’ils sifflent les bouteilles de vodka. Jeunesse que nous avons croisé ce samedi chez Colette, Rue du Faubourg Saint Honoré : Je ne sais pas lequel acheter, le T-shirt avec les taureaux ou celui à 235 euros. Les deux gosses avaient à peine 15 ans…

- Sacha Sperling, "Nos illusions donnent sur la cour". 
 - DR -

Sacha Sperling (fils de Diane Kurys et Alexandre Arcady) nous raconte une nouvelle éducation sentimentale au coeur d'un sixième arrondissement hyper-privilégié.

Elève à l’école lorraine (transparente allusion à la très sélect Ecole Alsacienne), le héros et narrateur, prénommé Sacha comme l'auteur, a quatorze ans. Et sa vie s'embrase, en cette année de troisième, lorsqu'il rencontre Augustin, qui va lui enflammer le cœur et les sens. Le décor est planté, l’intrigue peut commencer et avec elle une histoire de gosses de riche : père peu présent, mère photographe qui ne comprend rien à cette jeunesse ovni, aux codes radicalement nouveaux. Où l’on drague en mettant soi-même en mémoire son numéro de téléphone sur le portable d'autrui. Où l’on joue aux Liaisons dangereuses en envoyant, sous l’œil impavide de celui qu’on aime, un texto méprisant à celle qui vous a fait les yeux doux toute la soirée. Où l’on joue à la "bataille alcoolisée": "la personne qui pose la carte la plus faible doit boire un verre". Jusqu'à plus soif.  Où l’on joue à Mario Kart en sniffant de la cocaïne, où l’on couche homo ou hétéro tout en redoutant un redoublement, devenu inévitable à force de sécher la classe.
Où l’on découvre l’amour, surtout, avec la force des premières fois. Ces souffrances du jeune Sacha Werther version gay,  IIIe millénaire, et rive gauche bourrée d’argent sonnent juste même si on se demande si tout cela peut être vrai: écriture limpide, détails qui font mouche. Au final, c’est une intrusion dans le monde d’une jeunesse argentée, droguée et alcoolisée qui sait si bien se couper de l’univers adulte. C’est un roman assassin pour une certaine bourgeoisie, mais aussi pour le monde adulte qui a confondu ses désirs avec ses illusions et n'a jamais voulu pleinement assumer ses responsabilités.

1 commentaire:

Christine PINCHON a dit…

Ce résumé donne vraiment envie d'acheter ce livre. Je vais probablement me laisser tenter.

Cet auteur a t'il déjà écrit autre chose?