Michael Jackson et Moi (par Alain)

On ne peut pas dire que le premier contact fut chaleureux. On est en hiver et comme tous les samedis à cette époque, le début des années 80, mes parents choisissent le grand show de Michel Drucker “Champs-Elysées”. Comme d’habitude, je suis assis au pied du lit de mes parents, la télé est dans leur chambre et je me contente de ce spectacle de variétés. En réalité, je ne fais pas attention aux invités, j’ai 7 ans, mon frère 4 et notre attention devient plus poussée quand apparait à l’écran “Michael Jackson’s Thriller” à l’écran et que ma mère me fait “chut!”. Un grand moment d’angoisse. Je monte peu à peu à m’asseoir sur le bord du lit, puis dans les draps puis sous la couette! Jean se cache les yeux. Quelques jours plus tard, Cléo, mon petit chien de l’époque a la bonne idée de se gratter le dos sous mon lit en pleine nuit. Le hurlement fut à la hauteur de la peur générée!

Le temps passe, cet épisode me reste en travers notamment quand Michael repasse à la télé à l’époque! De grandes interrogations sur les morts-vivants me préoccupent! Que les jeunes esprits sont influençables franchement!

J’arrive au collège. Les autres n’ont que ça en tête et à raconter! Michael Jackson a sorti un nouvel album! Et en sortie mondiale sur un nouveau support: le CD! Bon honnêtement là, quand il s’agit de commander mes premiers albums au Club Dial, je choisis George Michael et Madonna entre autres. Michael Jackson? Bof. Je sais pas trop ce qu’il chante à vrai dire. On a un disque de lui avec un tigre et lui en photo dessus. En octobre 1987, à mon anniversaire, ma mère m’annonce une surprise qu’elle ne peut pas me révéler. Intriguant. On est en octobre, et à Noël, je ne vois toujours rien venir! Pourtant, j’en ramène des super bulletins de 6ème avec des bonnes notes à plein régime! Les mois passent et je continue de me demander ce qu’est LA surprise. Et par un très ensoleillé samedi de mai 88, je pose innocemment la question pour le énième fois. Mes 12 ans sont dans 4 mois alors si je pouvais avoir ma surprise de 11 ans avant celle des 12, on resterait logique.

Curieusement, ma mère semble décidée à me répondre et referme le TéléStar qu’elle est en train de lire. Elle le retourne vers moi et me demande “tu penses quoi de lui? Tu l’aimes bien?” Michael est en couverture “La star au parc des princes le mois prochain”. Un tout petit “oui” sort de ma bouche un peu étonnée par la demande. C’est quoi le rapport me demandé-je. Et là, la réponse se fit attendre mais elle finit par me dire “Ton oncle Marc et ton oncle Patrick t’emmènent le voir le 28 juin”. Etonnement. J’accepte le cadeau. Mais je suis pas en folie là, j’attendais un vélo!

Les vacances de l’été 88 approchent. Je n’en parle même pas autour de moi au collège. Ou très peu. “T’as de la chance!”. Ah oui? bah on verra sur place. Mes deux oncles et un ami/collègue de mon oncle Patrick et moi-même sommes partis. Le spectacle a lieu à 21h30, il est 16h!! Le parc des Princes est à une demi-heure. Mais c’est bizarre quand même toute cette agitation autour du Parc. Il est 17h30 et il y a déjà un monde de folie. On est dans le coin au fond du stade, à gauche. Derrière nous, toute une famille de blacks pique-nique. Moi aussi, je mange un sandwich que mon tonton Nono (Marc) m’offre. On est arrivés tôt quand même. A 20h30, Kim Wilde fait son apparition. Alors soyons clairs, il semble que personne ne soit venu pour elle. Le Stade ne réagit pas du tout! Et quand elle Finit, tout le monde hurle “Michael! Michael!” La pauvre, j’étais mal pour elle!

La ponctualité est la politesse des rois et vers 21h30, le spectacle commence. Aux premières notes de musique, un groupe de jeunes femmes un rang devant nous se lève et se met à danser. La famille nombreuse assise derrière nous se met à Hurler “Assis! Assis!” Mais rien n’y fait et le parc des Princes est debout comme un seul homme. Je ne dis pas un mot. J’en prends plein les yeux. J’en prends plein les oreilles. Pendant deux heures.

Le spectacle est fini. Mon oncle me demande si je vais bien. Une sensation très inhabituelle me secoue. On récupère la voiture mais on est obligés de s’arrêter quelques centaines de mètres plus loin pour que je rende mon sandwich sur le trottoir. Quelque chose s’est produit. On arrive chez mon oncle, ma tante Pascale me demande si ça m’a plu. “C’était super”. Mon oncle me propose de ne pas aller me coucher tout de suite. Il allume sa chaîne hifi, branche un casque, insère “Bad” dans le lecteur CD et me souhaite bonne nuit. Je me suis endormi avec la musique. Je suis devenu fan!

Je me mets à collectionner tous les articles que je trouve pour les mettre dans un cahier. Les photos s’accumulent. J’écoute Thriller à la maison, je n’ai plus peur. C’est le seul album de Michael que nous ayons à la maison alors, je l’use. On a pas beaucoup de moyens alors je me contente de ce que j’ai.

Ma fan attitude reprend en fin d’année 1991. Michael Jackson sort “Black or White”, préambule de l’album “Dangerous”. Je me fait prêter le mini-CD 2 titres par mon ami Pierre-Arnaud. On ne peut pas m’acheter le single mais le clip passe beaucoup à le télé et comme il y a MTV et MCM dans notre nouvelle maison (grâce à une antenne parabolique collective), je regarde les clips dès que je n’ai rien à faire. Un jour, en allant faire les courses avec mère, celle-ci me voit regarder le CD en rayon pour la énième fois. Elle s’approche et me dit “allez, cette fois, prend-le”. Je suis au lycée et elle me donne 5 francs far jour pour m’acheter et un sandwich avec Dolorès et Virginie au Lycée. Elle ne sait pas que je n’en dépense que 3 et que je mets le reste de côté pour aller chez mon dealer tous les jeudis: le Madison. Une boutique de disques du centre commercial Amiens2 qui reçoit le jeudi les livraisons et qui par-ci, par-là reçoit un disque importé, un single dans un format inédit. C’est grâce à Madison et au marché aux disques de la place du Beffroi que j’ai rassemblé la plupart de mes trésors. Ma plus belle pièce étant l’album “Dangerous” dans un écrin carton qui, lorsqu’on l’ouvre, déplie la couverture de l’album en 3D. Je m’achète aussi tous les 3 mois le magazine des fans “Black & White” truffé d’humour et d’infos très sympas. Une rubrique appelée “Mister I know it all” interpelle de nombreux lecteurs. En effet, on peut poser n’importe quelle question sur Michael, on a toujours une réponse pleine d’anecdotes et de détails troublants. Je fais parti de ceux qui étaient convaincus que Michael lui-même prenait le temps de répondre à ces 3 ou 4 questions tous les 3 mois.

Le 1er octobre 1992, le concert de Dangerous World Tour est retransmis en clair sur Canal+. Je le fais enregistrer par plusieurs personnes en même temps, on ne sait jamais. Je me fait la promesse qu’à sa première tournée où j’ai un travail, je m’offre le billet pour aller le voir. Canal+ enregistre à l’époque sa meilleure audience jamais réalisée pour un programme en clair. La chaîne américaine HBO aussi. Un après-midi j’emmène ma cassette chez ma grand-mère, je pense qu’on a dû la regarder 50 fois ensemble au moins “je ne me lasse de le regarder danser ce mec!”.

Puis arrivent les accusations de “maltraitance”. Ce matin-là, j’écoute distraitement RTL avec ma mère et ce sont des “maltraitances” qui sont évoquées. Je demande à ma mère “Joe Jackson?”. Elle me répond “t’as très bien entendu Alain”. Une autre rumeur? Le soir, le 6 minutes de M6 est beaucoup plus explicite. Je regarde un de mes nombreux posters et me demande “c’est possible?”. Mais quelque chose ne colle pas. Une plainte? Une seule plainte? Des centaines de gosses passent par le ranch de Neverland! Ils sont tous interrogés. Et il en ressort… une plainte! Y’a des millions de dollars à se faire pour les autres parents! Mais non, Jordan Chandler est le seul! Je me fiche d’être seul au monde, pour moi, il est innocent, je n’en démordrai jamais.

En 1995, l’album “History” sort à grands renforts de publicité et de marketing. Je me l’offre rapidement. Le soir où le clip est diffusé pour la première fois sur MTV, la présentatrice dit “Let’s see the new Michael Jackson video, which is a feast for the eyes!” (Regardons le nouveau clip de Michael Jackson qui est une fête pour les yeux). Les singles s’enchaînent, la chasse aux collectors continue. Le single “Stranger in Moscow” me donne du fil à retordre: 3 maxi-singles sortent en CD, mais à 2 semaines d’intervalle. Faut pas se rater! Et la chance est avec moi pour “They don’t care about us”: parmi tous les maxi-single dont le titre est écrit en rouge, s’en cachent (très peu) avec le titre écrit en bleu et des remixes inédit! Chez mon dealer “Madison”, sans chercher, je fais glisser les CD écrits en rouge quand… un bleu est là! Tant qu’à faire, je prends le rouge avec. La rubrique M6new diffusée le dimanche soir vers minuit offre la primeur de tous les nouveaux clips et M6 annonce toujours à l’avance le nom des artistes qui seront dans ces nouveautés. Une nuit, j’ai la surprise de découvrir “Blood on the dance floor”! Mais ce n’est pas dans l’album History ça! Non, c’est un album de remixes avec quelques inédits.

Michael profite de l’époque et du succès de HIStory (20 millions de double CD vendus!) pour s’offrir un petit délire. Il tourne un moyen-métrage appelé Ghosts où il joue son propre rôle! Je suis emballé et très impressionné par les effets spéciaux. A un moment, Michael se frappe le visage sur le sol et celui-ci se dégrade en poussière. La musique est accompagnée d’une chorégraphie qui m’a encore coûté des heures de répétitions!

Puis c’est un long silence artistique qui laisse place à un long brouhaha médiatique: mariages, enfants, comportements… Je suis tout ça de près. Je n’ai pas d’opinion.

L’album Invincible sort avec sa constellations de Guest Star, que ce soit dans le clip “you rock my world” ou dans les chansons de l’album. La chanson “Whatever happens” reste pour moi la meilleure chanson de l’album, elle est joué avec le célèbre guitariste Santana. Michael intente un procès à Sony Music et obtient le licenciement de Tommy Motola, son album ne bénéficie pas de la publicité prévue dans son contrat. Il atteint les dix millions d’exemplaires vendus avec deux clips et très peu de pub. Beaucoup diront “c’est un échec”, d’autres lucides ajouteront “sa plus mauvaise vente est du niveau de la meilleure de Madonna”. Dont acte.

Des rumeurs courent l’été 2008. Une réédition de Thriller pour les 25 ans de l’album, une tournée ou une série de concerts. Londres et Las Vegas, au vu des ventes de “Thriller 25” font des ponts d’or à Michael. Mais il ne digère pas l’attitude des américains à son égard. Les européens sont de meilleurs soutiens ce sera Londres.

L’annonce de la série de 10 concerts si près de chez moi me rappelle à la promesse que je m’étais faite. Mon Christophe comprend vite qu’il va y avoir une sortie à Londres prochainement. Je m’inscris à la prévente. On est 100.000 inscrits à cette prévente. Nous sommes tous munis d’un code, utilisable une seule fois, pour acheter 4 place au maximum. Nous nous connectons dès l’ouverture et faisons virtuellement partis d’une file d’attente. J’essaie de doubler mais ça me dit “une seule fenêtre ne peut être ouverte avec le même code”. On me renvoie au début. Je refais la queue! La date choisie est complète! je refais la queue pour une nouvelle date mais déjà, on est plus à 10 mais 20 spectacles! J’échoue à nouveau. Christophe prend le relais depuis son travail! Un premier échec dû à un problème de carte bancaire, un second dû à l’obligation d’ouvrir un compte chez UPS pour se faire livrer les billets quand on est étrangers… Puis le coup de fil vers 15 heures: “c’est bon j’ai deux billets pour le 17 août”. Des rumeurs de maladie grave circulent, mais le promoteur AEG dément. Michael chercherait juste à faire parler de lui. Mouais.

Qu’est-ce que j’étais fatigué ce soir là! J’étais du matin depuis lundi, levé à 5h45 tous les jours. Jeudi je me couche, je ne tiens même pas jusqu’au bout de la série que je regarde. Je m’endors. Mon téléphone sonne une première fois. Je coupe. Puis deux fois. Je coupe carrément le son mais voit qu’il y a encore des appels qui arrivent et des sms! Virginie m’envoie un “ca va?” Il est deux heures du matin, j’ai juste le courage de lui répondre “hein?”. mais elle s’est trompée de numéro! Oui c’est ça! Je me rendors. Il y a de l’orage et Christophe se lève pour monter Chloé. Je regarde l’heure sur mon portable, il est 3h30, j’ai 5 appels en absence et 15 sms. Je ne sais pas pourquoi, je n’en lis aucun. Il fait chaud et je veux dormir! Mon réveil sonne. Je prends mon téléphone et prend un sms au hasard de Virginie à nouveau (celle qui me demandait “ça va?”). Il est juste écrit “Michael”. Je descend l’escalier en lisant les autres messages. Là je me sens mal. J’allume sur BFM TV, édition de 6h00: News alerte: Michael Jackson est mort! A l’image un hélicoptère qui débarque un brancard. Je n’ai pas de mot. Je finis de lire les sms et j’écoute les messages laissés (dont 3 par Karina). Tout s’arrête comme ça. Sans prévenir. Pas de signe avant-coureur. Il est mort à l’âge de 50 ans.

Alors oui j’ai beaucoup de peine. Je l’ai admiré, écouté, regardé, suivi, adulé… pendant 21 ans. Alors on ne peut pas me demander de tourner la page aussi facilement. Je n’en veux pas à ceux qui ne peuvent pas comprendre. Il n’est pas de ma famille, on n’a aucun lien. Mais ce n’est pas grave. Il y a tous ceux qui comprennent, merci pour vos sms, appels, messages publics ou privés sur Facebook. On est des millions comme moi. J’en veux à Jordan Chandler ou Gavin Arvizo pour leurs accusations qui ont brisé un être humain. A tous les vautours qui l’ont laissé tombé puis qui se sont rapproché quand le vent a tourné avec le succès de Thriller25. J’en veux à ceux comme Sting ou “The Sun” qui l’ont insulté de taré. Il n’y aura plus d’apparition spéciale dans un show allemand. Il n’y aura plus de polémique sur des clips trop explicites. Il n’y aura plus de couverture de journaux sur une nouvelle extravagance. Il n’y aura plus de déguisement pour recouvrer un semblant d’anonymat. Il ne restera que le lien qui unit une star à ses fans comme sur cette photo de 1996 où Michael joue devant un parterre de stars à Monaco, mais où il ne remercie que ses fans. Il ne restera que ce que je retiendrai pour moi. C’était ce que je voulais raconter sur Michael Jackson et Moi…

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